PARTIE III A

La guérison des plaies





La guérison d’une plaie cutanée représente l’ensemble des processus qui mènent à sa fermeture et à la récupération fonctionnelle de la peau lésée.

L’épiderme guérit par régénération, grâce au renouvellement naturel des kératinocytes. D’autre part, le derme guérit par réparation, donc le tissu d’origine est remplacé par un nouveau tissu non spécifique avec, comme résultat, la formation d’une cicatrice.

Nous n’étudierons que la régénération des blessures du second et du troisième degrés, sans considérer les brûlures qui font intervenir des mécanismes différents. Nous avons divisé cette partie de façon chronologique :d'abord, l’inflammation, la coagulation et l’hémostase, qui sont les premières réponses de l'organisme à l'agression ; et dans une deuxième partie, la réépithélialisation et la maturation du nouvel épiderme, qui sont les mécanismes à plus long terme.
Nous allons étudier la guérison d'une plaie dans ses circonstances "idéales", où il n'y a aucune complication comme un infection ou une dégénérescence de cellules, qui sont des évènements fréquents.



A) Les premières réactions de l'organisme

Lors d'une blessure du second degré, la lésion atteint le derme, ce qui endommage les vaisseaux sanguins. Il se produit par conséquent un épanchement sanguin dans la plaie. Afin de refermer la blessure et de limiter les pertes de sang, de nombreux mécanismes visant à stopper ou retenir l'hémorragie se mettent en place : on nomme l'ensemble de ces mécanismes hémostase. Mais auparavant, un phénomène d'inflammation apparaît, que nous allons décrire ici.

        1 - L'inflammation

Dans la zone lésée se forme un exsudat inflammatoire, c'est à dire que des cellules et des molécules traversent la paroi des vaisseaux pour combler les espaces vides. Cet exsudat est composé  en particulier de fibrine : c'est une protéine filamenteuse provenant de l'hémostase, qui emprisonne les cellules du sang au cours de la coagulation, et qui participe à la formation du caillot. Dans cet exsudat on trouve également des cellules inflammatoires (macrophages, lymphocytes) arrivant par déplacement et par chimiotactisme (capacité à se déplacer vers un émetteur chimique) à travers la paroi vasculaire. L’inflammation s’étend au-delà de la plaie, jusqu’à 1,5 mm autour de la zone.

Cet exsudat inflammatoire a comme fonctions d’éliminer les débris cellulaires, de prévenir une éventuelle infection et de permettre l’accès au système immunitaire ; tout cela afin de préparer la plaie au processus de réparation.
 


Schéma n°1 des étapes d'une inflammation
Schéma n°1 des étapes d'une inflammation



Les médiateurs chimiques de l’inflammation contrôlent les divers phénomènes qui se produisent au niveau de la zone lésée durant la phase inflammatoire. Ils provoquent, notamment, une vasoconstriction des vaisseaux sanguins abîmés, c'est à dire une réduction du diamètre de ces vaisseaux, pour réduire l’hémorragie et une vasodilatation des vaisseaux proches intacts, c'est à dire une augmentation du diamètre de ces vaisseaux.
Une augmentation de la perméabilité des vaisseaux autour de la plaie est également mise en place, pour faciliter la création d'un exsudat inflammatoire.
Les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins autour de la plaie se rétractent, ce qui rend les vaisseaux plus perméables. Cela facilite l'arrivée à la zone lésée des liquides nécessaires à l’exsudat inflammatoire.



 Schéma n°2 des étapes d'une inflammation
Schéma n°2 des étapes d'une inflammation



Les liquides sont cependant constamment réabsorbés par les vaisseaux lymphatiques. La circulation sanguine ralentit localement, ce qui facilite la migration des globules blancs et d'autres cellules inflammatoires comme les plaquettes hors des capillaires : ce phénomène est appelé diapédèse.

Schéma n°3 des étapes d'une inflammation
Schéma n°3 des étapes d'une inflammation

        2 - L'hémostase et coagulation.

L’hémostase se divise en deux parties : l'hémostase primaire qui forme un clou plaquettaire (ou thrombus blanc), et l'hémostase secondaire, ou coagulation qui produit un caillot de fibrine venant stabiliser le clou et ainsi former un "bouchon" (constitué de sang coagulé). Celle-ci s’accompagne d’une vasoconstriction locale de brève durée pour minimiser la fuite sanguine, le temps que l’hémostase se produise.
(Le terme de coagulation désigne l'hémostase secondaire, mais il arrive qu'on l'emploie pour les deux types d'hémostase par abus de langage).


                    a. Hémostase primaire

L’hémostase primaire débute par l’adhésion des plaquettes à la paroi sous endothéliale (fibres de collagène, endothélium, la paroi interne des vaisseaux sanguins) par l’intermédiaire de la fibronectine provenant du plasma de l’endothélium lésé.
Une fois actives, les plaquettes modifient leur strucure et s’étalent, ce qui permet à d’autres zones d’adhésion de se former, et ainsi d’activer davantage de plaquettes. Elles modifient leur membrane et mettent à leur surface un nouveau récepteur.

Il se produit ainsi une première vague d’agrégation plaquettaire, qui comme son nom l'indique est une concentration de plaquettes dans la zone lésée.

Les plaquettes activées sécrètent alors des granules contenant des protéines préexistantes. Parmi ces protéines se trouvent des facteurs de coagulation, des facteurs d’agrégation plaquettaire et des facteurs de croissance. Des médiateurs supplémentaires de recrutement s'ajoutent alors aux protéines d’activation des plaquettes : le médiateur TxA2 stimule de façon très courte (en deux minutes environ) l’activation, la sécrétion et l’agrégation des plaquettes, et provoque par ailleurs la vasoconstriction des vaisseaux ; le PAF, puissant médiateur de l’inflammation provenant des plaquettes, des macrophages et quelques autres cellules endothéliales, stimule également la sécrétion et l’agrégation des plaquettes.
Ces différents médiateurs vont donner lieu à une seconde vague d’agrégation, de plus grande importance.

L’agrégation primaire et l’agrégation secondaire vont alors former un clou plaquettaire, aussi appelé thrombus blanc (en raison de sa couleur), en l’espace de 5 minutes.

Schéma représentant la quantité de plaquettes dans la zone
de la lésion en fonction du temps
(en unités arbitraires)
Graphique représentant la quantité de plaquettes en fonction du temps

                    b. Coagulation


En parallèle avec la formation du clou plaquettaire, la coagulation débute par un mécanisme d’activation de facteurs de coagulation du plasma.

Ces facteurs sont des enzymes relativement complexes s'activant en cascade et conduisant à la formation de la fibrine (voir schéma ci-dessous).
Le but de ces enzymes est d'activer la thrombine : c'est une hormone responsable de la transformation du fibrinogène en monomère de fibrine. Ceux-ci se polymériseront ensuite, devenant insolubles. Les monomères constituent le caillot et stabilisent les clous plaquettaires jusqu'à la guérison totale des tissus.
Certains facteurs, comme le VI, le VIII, le XI, la thrombine ou la fibrine, n'apparaissent qu'au cours de la coagulation, alors que les autres sont présents naturellement dans le sang.

Ce processus d'activation des facteurs dure environ 6 minutes, dont 20 secondes pour la formation de la thrombine et 3 secondes pour la fibrine.


(Les différents noms sont des synonymes selon les différentes écoles, mais la prothrombine, la thrombine et la fibrine sont les termes de référence)


Schéma de la cascade d'activation de la fibrine
Schéma de la cascade d'activation de la fibrine


Au total, ces événements se produisent en 10 minutes environ et forment le bouchon, qui sera consolidé par l’établissement de liens entre les protéines de fibrine et la contraction des plaquettes.

Le tissu temporaire créé, composé de fibrine, fibronectine et de  thrombospondine, facilitera la migration des cellules dans la plaie.



Schéma des différentes étapes de la coagulation
Schéma des différentes étapes de la coagulation



        3 - Les types de guérison


Nous pouvons par ailleurs distinguer deux grands types de guérison de la peau, faisant intervenir la coagulation de façon plus ou moins importante : la guérison par première et par seconde intention.

                    a. Guérison par première intention

Si la lésion est plutôt mince et profonde, la guérison est dite par première intention. Elle se caractérise par le rapprochement des marges de réépithélialisation de la plaie, ce qui facilite la guérison puisque la surface de peau à réparer est réduite ; la réparation des tissus est ainsi accélérée.

Schéma de la guérison par première intention

                    b. Guérison par seconde intention

La guérison par seconde intention est réalisée lorsque la plaie est plus large. La plaie, ne pouvant être refermée, reste ouverte, ce qui agrandit la surface de réépithélialisation et réduit la vitesse de guérison.

La guérison par seconde intention laisse une cicatrice, contrairement à la guérison par première intention.

Schéma de la guérison par deuxième intention





Nous allons maintenant voir les mécanismes à plus long terme de regénération de la peau, et en particulier de l'épiderme.

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